Me voilà bien embarrassée cher Guillaume Chaix … C’est une « non-parente » qui m’interpelle en ce jour de rendez-vous ancestral… Nous sommes en 1906 si j’en crois la PANHARD LEVASSOR garée dans la rue.

Marie LABRUNE, ma « non-parente » épouse en seconde d’Anatole Hullard, lui-même divorcé de Rose Clotilde mon arrière-arrière-grand-mère maternelle… Et bien Marie, papotons donc un peu, faisons connaissance toi et moi.

Qu’as-tu donc à me raconter chère « non-parente » ?

En premier lieu, et avant que nous ne commencions,
permets-moi de te situer dans le cadre « familial » de mon arbre,
petite feuille d’une autre racine que tu es …

Et commença ce Rendez-vous non-ancestral par une ferme mise au point de Marie :

« Et bien je veux tout d’abord te dire que je n’ai pas « volé » le mari de Rose … C’est en vivant avec lui que j’ai peut-être compris pourquoi Rose l’a quitté … Ho il était beau garçon, grand d’un mètre 68, un beau brun, ténébreux et un peu canaille * … Difficile à vivre, mais vois-tu, il nous a accueillies ma fille et moi »

* les frasques d’Anatole : Cassé de son grade de caporal le 20 mai 1891 et condamné à 3 mois de prison
pour violence et voie de fait le 25 septembre 1914 … Impulsif le bonhomme …
Un peu canaille pour reprendre les mots de Marie

« Oui, Marie, je vois bien que tu as une petite fille, sans père au demeurant, née la même année que Germaine, la fille de Rose et d’Anatole»

« Tu es toi-même née, Marie le 3 Septembre 1858 à Gœrsdorf dans le Bas-Rhin, fille d’Antoine, ouvrier foulon¹ et de sa légitime épouse Adèle FASSIN, Rentrayeuse de draps² … Voilà sans doute pourquoi tu seras tour à tour, lingère, repasseuse et couturière … Le tissu, une tradition de ta famille … Ton grand-père Mathieu Labrune était fileur en lin … Né en Wallonie, fils de Wallons et époux d’une Ardennaise … Belge d’origine tu es donc »

« Oui, oui, Papy, ses parents et arrière-grands-parents étaient Wallons … Mais c’est une petite Ardennaise que mon grand-père a épousée à Sedan… Avant de s’installer dans le Bas-Rhin où je suis née… Ce qui m’a valu de perdre la nationalité Française en 1871 avant de la recouvrer en 1897 »

« Lorsque j’ai rencontré Anatole il était divorcé depuis peu …. Tu savais qu’il avait obtenu la garde de sa fille ? »

« Oui Marie je le savais »

« Anatole et moi nous sommes mariés très vite après notre rencontre, le 14 août 1899. C’est à Melun qu’ont été célébrées nos épousailles… Ses parents étaient présents à notre mariage, je ne me souviens pas si la petite Germaine était là, surement pas … Bien que son papa en ait la garde, elle vécut un temps chez ma belle-mère, avant de rejoindre le foyer de sa grand-mère maternelle»

« Et votre vie maritale Marie ??
As-tu continué à travailler après avoir donné un fils à Anatole en 1900 ?? »

« Nous étions l’un et l’autre nos propres patrons, [me dit-elle avec fierté] Anatole avec sa maréchalerie – comme son oncle, que tu as rencontré- et moi repasseuse … Nous vivions plutôt bien… J’avais deux petits à la maison, ma fille Léa et notre fils René né en 1900 mais oui, j’ai continué à travailler en plus de tenir la maison»

« Tu sais que René sera maçon ? »

« Oui Marie je le savais … Vois-tu, tu ne m’es pas si étrangère que tu le penses »

Je n’ai pas osé demander à Marie quelles relations elle entretenait réellement avec Anatole le bagarreur, ni même comment elle est tombée enceinte de sa fille…
Et je n’ai pas pensé à lui demander qui est ce nourrisson recensé en leur demeure en 1906… Une enfant en nourrice ?? une petite orpheline de sa famille ??

« Dis-moi Marie
Pourquoi m’as-tu interpellée aujourd’hui ?
Je suis bien curieuse de le savoir. »

« Je te vois rencontrer tes ancêtres, faire des recherches sur eux, compléter tout plein de choses à leurs sujets, et moi j’étais là … Inscrite, sans filiation, sans enfant, sans métier … Juste mon nom écrit à côté de ceux que tu chéris jour après jour … Mais moi aussi j’ai existé, moi aussi j’ai vécu, été triste, heureuse, pleuré, ri, enfanté … Il fallait bien que quelqu’un un jour s’en souvienne non ??»

Et une larme glissa sur sa joue …

« Ma pauvre Marie voilà qui est réparé … Je me suis penchée sur toi , ta descendance et ton ascendance … Quelques heures de recherches juste dédiées à toi »

————-

Les événements marquants de la vie de Marie LABRUNE

3 septembre 1858 :         Naissance à Gœrsdorf, Bas-Rhin, France
(Sources: AD Bas-Rhin cote 4E 159/3 vue 7/12 acte 24)

10 mai 1871 :                    Perd sa nationalité française, le Bas-Rhin est annexé par l’Empire allemand

27 mars 1897 :                  Naturalisation (Réintégration de la nationalité Française)
(Sources: Journal Officiel Décret 51.273 Bulletin N° 3112)

28 septembre 1896 :         Naissance de sa fille naturelle à Charleville-Mézières
(sources : [2E290 19] – Mézières – (Naissances) | 1895 – 1899 vue 118/364)

18 novembre 1896 :         Marie reconnait sa fille Léa
(Sources :[2E290 19] – Mézières – (Naissances) 1895 – 1899 vue 127/364)   

14 août 1899 :                   Mariage avec Anatole François René HULLARD à Melun
(Sources: AD Seine-et-Marne cote 6E 306/105 vue 177 acte 50)

22 décembre 1900 :        Naissance de son fils René Pierre Marie HULLARD
(Sources : AD Seine-et-Marne cote 6E306/106 vue 113/200)

1906                                  Le couple Anatole et Marie vit à Vaux le Pénil
Avec la fille de Marie, leur fils commun et semble-t-il un nourrisson
(Sources : AD Seine et Marne / Recensement de Vaux le Pénil en 1906)
  La petite Germaine est recensée chez sa grand-mère maternelle
Mais qui est la petite Marcelle Achard née en 1903 ?? Mystère

1918                                      Marie est veuve

28 janvier 1928 :              Décès à Clermont (Oise) (Source non vérifiée)

————-

« Pour aller plus loin »

À Verviers, en Belgique, la révolution industrielle démarre dans les années 1799-1804 et se communique à la région entière avant 1810 … Verviers où est né le grand-père de Marie, fileur en lin de son état, et où s’est marié son propre père, tisserand.

En 1810, Verviers est devenu le premier centre continental de la draperie cardée, devant Sedan [ville de naissance des parents de Marie] et Elbeuf (l’image d’illustration des rentrayeuses vient des ateliers des épinceteuses³ et des rentrayeuses de la manufacture Bruyant-Desplanques à Elbeuf)

¹ Antoine Labrune, le papa de Marie est ouvrier foulon

² Adèle FASSIN, la maman de Marie est rentrayeuse de draps

³ Epinceteuses : ouvrières qui au moyen d’une petite épincette, retirent les ordures et les pailles attachées aux fils et répandues sur toute la surface du drap.