RDV AVEC UN MARÉCHAL-FERRANT

1962 1832 … Mais quelle année cette année là ♫♫

Pour satisfaire au Rendez-vous Ancestral initié par Guillaume Chaix et qui consiste à rencontrer un de nos ancêtres à son époque … Et afin de rester dans le corps du généathème de ce mois de mars … Je vous propose un voyage en 1832 … Dans la maréchalerie de François.

Décidément, cette année 1832 me ramène à ma grand-mère « mémé Suzon », puisque c’est son oncle à la 3ème génération que je vais rencontrer aujourd’hui … François HULLARD né en 1832 … Mon tonton … Maréchal-ferrant de son état.

Originaire de Bizonne en Isère, fils et petit-fils de maréchal-ferrant, François HULLARD est né le 18 août 1832, dans une France en proie à « la peur bleue ».

Pierre et Rose Gullon, Isérois tous les deux, convolent en justes noces le 30 juin 1825, dans la commune de Bizonne où le couple s’établit … Rose est « ménagère », Pierre maréchal-ferrant … François leur viendra quatrième de leurs enfants.

François Hullard, le petit frère de mon Sosa 60, maréchal-ferrant

Dès 1826 la famille de Pierre et Rose s’agrandit : Marie Rosalie arrive la première, elle sera suivie par Jean Pierre (mon ancêtre) en 1828, Rose Virginie en 1830, François en 1832 et le petit dernier Joseph en 1839, lequel ne vivra que 3 jours.

Pierre Hullard, Maréchal-ferrant, qui aura repris l’activité de son père, procèdera à la déclaration de naissance de toute sa marmaille, ainsi qu’il apparait sur l’acte de François, mon rendez-vous de ce jour.

Ainsi donc, c’est à Bizonnes que naquit François Hullard et toute sa fratrie … Je suppose que les enfants seront baptisés dans la petite église de ce village rural … peuplé de 1.365 âmes en 1831, il en comptait moins de 1.000 en 2019.

Autant je ne sais rien ou presque des filles de Pierre et Rose, autant je sais que les deux garçons nés de leur union, épouseront le métier paternel … Jean-Pierre, mon Sosa 60,  sera Dragon de la garde puis maréchal-ferrant aux Dragons de l’impératrice, et François maréchal-ferrant à Bizonnes.

Les enfants grandiront, participant au travail, de la maison pour les filles et de la forge pour les garçons qui commencent ainsi leur apprentissage … L’instruction ne sera pas oubliée, malgré les « corvées » nombreuses dévolues aux enfants, ils iront à l’école, à tout le moins les garçons… J’en veux pour preuve qu’ils savent l’un et l’autre signer.

Devenu un homme, François se marie, toujours à Bizonnes …
Il est maréchal-ferrant, elle est tisseuse

Trois enfants naitront de cette union … Tous verront le jour à Bizonnes … Dont François HULLARD « junior » en 1862 et qui sera … garçon meunier.
François est le dernier maréchal-ferrant de sa branche, quand son frère Jean-Pierre aura deux de ses fils qui perpétueront la profession.

Pour une famille de maréchaux-ferrants, je suis très étonnée de n’avoir vu aucun des fils, petits-fils ou arrière-petits-fils porter le prénom d’Eloi, saint patron de cette confrérie … Saint Eloi patron des orfèvres,  des  maréchaux-ferrants,  des  forgerons,  des  serruriers, des selliers,  des  couteliers,  des  ferblantiers,  des  chaudronniers,  des  bourreliers…  en fait de tous les ouvriers faisant usage du marteau.

« Cher tonton François, l’évocation de ton métier réveille en moi des souvenirs, principalement olfactifs, qui me ramènent à mon enfance », où j’aimais trainer dans l’écurie quand était venue l’heure du maréchal-ferrant … le feu, l’odeur de corne brulée et le bruit sur l’enclume pour ajuster les nouvelles « chaussures » de ma jument … Souvenirs, souvenirs 

Alors, ce métier ??
qui à ton époque tonton François, se transmet de père en fils …

Après la médecine et la chirurgie, la maréchalerie est sans contredit la profession la plus utile à l’État, puisqu’elle a pour objet la conservation du cheval, l’animal dont l’homme tire les services les plus réels et les plus performants”. dixit Philippe Étienne Lafosse en préface de son « Guide du maréchal »

« (…) Les maréchaux exercent la profession de guérir [les chevaux] de leurs maladies et doivent être en même temps leurs cordonniers, leurs médecins, leurs chirurgiens (…) » Selon Garsault, dans son ouvrage : « le Nouveau parfait maréchal » paru en 1746 … Quand bien même il a son importance en ville, le métier du maréchal-ferrant est étroitement lié au milieu agricole,… N’est-ce pas lui qui soigne, pare et ferre les chevaux. Il est l’ancêtre du vétérinaire car s’il chaussait le sabot, il soignait également les dents et autres maux … et pratiquait les saignées pour les animaux de trait… « N’est-il pas Tonton François ? »

« Chère petite collatérale, j’ai exercé ce métier presque comme mon père et mon grand-père, bien qu’avant ma naissance de grands changements arrivèrent, visant à réduire notre activité au seul ferrage.»

Après la création des Ecoles vétérinaires de Lyon en 1762 et Alfortville en 1766, à l’initiative de l’écuyer Bourgelat, une rivalité naîtra entre les maréchaux-ferrants et les vétérinaires…

« Ce bougre de Bourgelat avait commencé par créer une école de maréchalerie à Lyon en 1760, ce qui en somme était une bonne idée …  Mais voilà qu’ensuite il scinda le métier »

Cette scission des rôles ne se retrouve pas encore dans les campagnes ni à l’époque de François, ni à celle de son père où le maréchal-ferrant continue de pratiquer la médecine « vétérinaire »… extraction de dents, saignées et sus des soins des pieds et ferrage des sabots…. Quand bien même depuis 1825 était officialisée une séparation des métiers, appelée de leurs vœux par les futurs vétérinaires, redoutée par les maréchaux-ferrants et … probablement fort attendue des équidés, dont les traitements appliqués par les maréchaux-ferrants étaient souvent sans effet.

(Dessin de Louis Bomblèd de Richemond)

La forge, la maréchalerie… Tonton François, ton poste de travail
qui avec le moulin est aux hommes ce que le lavoir est aux femmes
… Lieu de passage et de rencontre dans le village

C’est là que toi, maréchal-ferrant, tu exerces ton art.… tes arts, Forgeron et Maréchal-ferrant tout à la fois ; Si tu te consacres principalement au ferrage des chevaux, je pense que tu continues à façonner les outils des paysans et autres artisans … Forgeron que tu es par essence … As-tu en fin d’apprentissage réalisé ton « bouquet de Saint Eloi » ?

« Raconte, raconte-moi le ferrage Tonton …
Quand bien même j’ai assisté des dizaines et des dizaines de fois à cette opération …
Raconte-moi s’il te plait
 »

« bien, alors vois- tu la première chose est de rassurer et calmer le cheval qui se trouve dans un environnement qui ne lui est pas habituel … il y fait chaud et le bruit l’effraye . »

Ensuite, le maréchal-ferrant attache le cheval et s’attelle à la tache …

« Je commence par bien nettoyer le dessous du sabot, afin de travailler sur une surface propre (avec une rénette, sorte de lame recourbée). Ensuite, je me saisis de mon dérivoir pour arracher les clous des fers puis de mes tricoises (des tenailles à longs manches) pour retirer le fer en place … Après cela je procède au parage (raboter et tailler le sabot pour lui donner une bonne forme à l’équilibre du cheval) avec le rogne-pied et la râpe … Rassure toi, il ne sent rien, la corne du sabot n’est pas irriguée »

Le parage est une étape très importante, la plus délicate en fait … Ferrer un cheval sans un bon parage, c’est s’assurer d’une boiterie.

« Ensuite, toujours à l’aide des tricoises, je pose le fer rougi sur le sabot et je le retire immédiatement … La corne s’est imprimée dessus, ce qui me permet de le façonner sur l’enclume à la bonne dimension, avant de le mettre en place définitivement … C’est avec mon brochoir (marteau) que j’enfonce alors les clous qui fixent le fer au sabot, un dernier petit coup de râpe et voilà un cheval ferré dans les règles de l’art  »

Au son du récit de tonton François, les effluves de mon enfance remontent à la surface et si je fermais un instant les yeux, je suis sûre que je verrais le maréchal-ferrant de ma jeunesse, son tablier de cuir sur les jambes.

François Hullard s’éteindra bien jeune … A 35 ans
C’est dans sa demeure, à huit heure du soir qu’il poussera son dernier soupir
le 26 août 1867, laissant derrière lui son épouse
et trois enfants de 4, 5 et 7 ans.
…..

« Pour aller plus loin »

Vétérinaires VS Maréchaux-ferrants

Le décret de 1813 instaure deux niveaux de compétence professionnelle pour les vétérinaires. L’Ecole Impériale Vétérinaire de Lyon devient une Ecoles Vétérinaires de Seconde Classe délivrant en trois ans un diplôme de Maréchal-Vétérinaire. Seule école de Première Classe, Maisons-Alfort permet aux meilleurs étudiants de poursuivre une scolarité de deux ans supplémentaires et délivre alors un diplôme de Médecin-Vétérinaire.la grande difficulté pour les vétérinaires issus de ces nouvelles écoles consiste surtout à s’imposer dans les campagnes, alors que les maréchaux-ferrants s’accaparent du titre d’ «artiste vétérinaire »

À partir de l’ordonnance du 1er septembre 1825, la situation est unifiée avec un diplôme de vétérinaire associée à quatre années d’études…. Dans les campagnes, le maréchal-ferrant continue pourtant de prodiguer des soins aux animaux de trait … Un temps, un temps certain, puisqu’il faudra attendre la loi du 21 Juillet 1881 et son article 12 : « l’exercice de la médecine vétérinaire dans les maladies contagieuses des animaux est interdit à quiconque n’est pas pourvu du diplôme de vétérinaire ». La pratique par les Maréchaux-ferrants perdure et ce n’est que beaucoup plus tard que la médecine vétérinaire deviendra l’exclusivité des seuls vétérinaires diplômés grâce à la loi du … 17 Juin 1938.

L’art de la maréchalerie lui se transmet uniquement par le côté pratique et ne fait l’objet d’aucun enseignement théorique … jusqu’en … 1997 !!! Il faut désormais impérativement un diplôme pour exercer le métier de maréchal-ferrant … limité au seul ferrage … et aux soins des pieds sous la férule d’un vétérinaire… Cette profession a lentement et inexorablement décliné, le cheval n’étant plus notre moyen de locomotion, remplacé en ville par les voitures et en campagne par les tracteurs.

Il reste aujourd’hui en France environ 1300 maréchaux-ferrants.

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