A l’heure du bistournage …

En ce jour de rendez-vous Ancestral, cet étrange voyage dans le temps imaginé par Guillaume Chaix,  je me retrouve en Haute-Savoie, en partie sous le règne de Napoléon III.

Jacques Joseph VALLET,
mon oncle à la 5e génération
m’interpelle
…….
Casseaux en mains

Fils de Pierre Joseph Vallet mon malheureux Sosa 112, Haut Savoyard, décédé d’une chute à 58 ans et de Marie Josephte Pissard-Gibolet, Jacques Joseph Vallet m’attend dans sa ville de Sallanches.

Né à 05h00 du matin, le 23 octobre 1827, Jacques Joseph est le second des trois enfants que j’ai répertorié à ses parents … Bien qu’il semble y en avoir un petit dernier, né en 1831 et marié à Sallanches, pour lequel je ne trouve aucun acte de naissance.

Pierre Joseph est né à Sallanches comme sa grand sœur avant lui et comme son petit frère après lui …. Les trois enfants du couple sont inscrits sur le même registre des naissances,( AD74 4 E 1591) respectivement pages 221 pour Marie Jacqueline, 299 pour Jacques Joseph et 372 pour Jacques Marie…. Quand au benjamin, Joseph, né vers 1831, je ne suis en possession que de son acte de mariage, filiatif, mais exempt de date de naissance.

La jeunesse de jacques Joseph se déroulera à Sallanches – où au demeurant il passera sa vie entière- entre décès et drames régionaux, le petit garçon aura sa part de malheur :

  • A peine âgé de 5 ans, le choléra emporte tant et tant de monde autour de lui, et comble de malheur il perd son papa cette même année terrible, alors que l’épidémie aura épargnée sa famille.
  • Il vivra le décès de ses deux frères et sœurs issus d’une relation illégitime de sa maman, deux petits partis en 1735 et 1737.

Alors qu’il a à peine 10 ans il a côtoyé la mort par trois fois déjà.

Adolescent, au cours de sa 13ème année, il vivra le drame de l’incendie meurtrier de sa ville, et verra la maison familiale partir en flamme … Sa mère et sa fratrie survivront à ce drame.  

Sallanches reconstruite depuis le dernier incendie offre une vue magnifique sur le Mont-Blanc …. Comme l’a superbement peint Johann Ludwig Bleuler – c’est en tout cas à lui qu’on attribue ce tableau

Le 14 juin 1860, le duché de Savoie intègre officiellement l’Empire français…. Voilà l’occasion de faire un clin d’œil au #Généathère du mois … Le 15 juin 1860 , Le duché est divisé en deux départements, la Savoie et la Haute-Savoie.

Du 27 août au 5 septembre, le couple impérial effectue un voyage à travers les terres savoyardes, visitant entre autres Sallanches le 2 septembre 1860.
« Partout où les souverains parurent en brillant cortège, ils reçurent un accueil triomphal »
Pierre Joseph était probablement de ceux qui acclamèrent  Napoléon III sur son passage …

Sallanchard aujourd’hui, Sallanchois hier,  Jacques Joseph célibataire, sans enfant est hongreur … Sans doute en sus de son probable emploi de journalier.

« Maintenant que te voilà Haut Savoyard Tonton Jacques,
si tu me racontais ton étrange métier, aujourd’hui disparu ?
 »

« Bonjour petite collatérale, comme tu le sais, je suis hongreur, c’est-à-dire que je castre les animaux … C’est très utile un hongreur, les paysans des alentours me réclament  régulièrement. »

« Tonton Jacques, je me demande si tu as suffisamment d’ouvrage pour vivre
de ce seul métier … Il n’y a pas tant de chevaux à Sallanches
 »

« Bien sûr, je suis obligé de louer mes bras aux travaux des champs si je veux manger à ma faim, mais tu sais il n’y a pas que les chevaux que je castre, cochons et veaux réclament également mon savoir-faire »

Le cheval castré – que l’on appelle un hongre par opposition à l’étalon ou entier – est beaucoup plus calme, moins ombrageux et de fait plus apte à se soumettre à la main de l’homme pour les travaux des champs, même les femmes peuvent le mener sans danger à quelque période du mois.

Chaque famille paysanne engraissait au moins un cochon, parfois un veau … Le cochon comme le veau une fois castrés profitent mieux … Ils grossissent davantage, et fournissent de fait une plus grande quantité de viande. 

Comme mon gros patapouf de chat castré …
qui lui n’est pas destiné à être dévoré
😂

  « Explique moi Tonton Jacques comment procède le hongreur de ton époque »

« Il existe deux méthodes, le bistournage qui est une déformation par torsion … On couche et on maintient l’animal puis je fais tourner chaque testicule sur lui-même avant de le faire pivoter à l’intérieur du sac testiculaire, coupant ainsi la circulation sanguine. Je fixe ensuite les casseaux que l’on retirent quelques jours plus tard … et l’animal est castré. »

Paire de casseaux

« La seconde méthode consiste avec la pointe d’une lame courbe très effilée, à trancher les testicules – il faut pour cela le tour de main infaillible du hongreur et surtout désinfecter la plaie à l’eau de Javel*. »

« Merci Tonton Jacques pour ces explications. » 

Mon oncle Jacques joseph VALLET décèdera dans sa ville de naissance le 12 décembre 1903 à 03h00, à l’hospice de Sallanches…. Inauguré plus de cinquante ans auparavant en octobre 1856, les malades y sont déjà installés depuis 1854. On y accueille surtout des indigents, ce qui me laisse supposer que Tonton Jacques n’avait pour seule richesse que son savoir-faire. 

 » Pour aller plus loin « 

Étymologie du hongreur

Le terme « hongre » signifiant à l’origine « hongrois » existe au moins depuis les années 1100, dérive du latin d’Allemagne, et serait d’origine turque. Ce nom aurait été attribué aux chevaux castrés par référence à l’usage hongrois de châtrer les chevaux de monte. Le nom est parfois employé en tant que verbe, « hongrer » faisant référence à la procédure de castration en elle-même, pratiquée par le « hongreur ».

Aujourd’hui la castration est pratiquée principalement par les vétérinaires et surtout sous anesthésie générale ou locale

Sallanches

Les voies d’accès s’organisent avec l’ouverture de la route nationale Cluses – Saint-Gervais en 1886 et l’arrivée du train en 1889. La réalisation du réseau d’eau potable en 1889 et de l’électricité en 1901 font entrer Sallanches dans l’ère moderne. Au fil du temps certaines activités traditionnelles disparaissent et l’horlogerie fait son apparition, annonçant l’essor futur du décolletage.

L’eau de javel *

L’eau de Javel tire son nom de l’ancien village de Javel (aujourd’hui quartier du 15e arrondissement de Paris) où s’était créée une manufacture de produits chimiques, près du “Moulin de Javelle”.

Claude-Louis Berthollet (1748-1822), chimiste savoyard et médecin du duc d’Orléans chercha à reproduire artificiellement ce que faisait la nature. Il y réussit grâce aux solutions chlorées (le chlore dénommé alors “esprit de sel déphlogistiqué” ayant été découvert par Scheele en 1774).

Dans ce village de Javel, Berthollet utilisa l’eau de chlore, en 1785, pour ses propriétés blanchissantes. Les Directeurs de la Manufacture, Mrs. Alban et Vallet, décidèrent de dissoudre le chlore dans une solution de potasse particulièrement adaptée au blanchiment du linge et stabilisant le caractère oxydant du chlore. Ils avaient créé la “liqueur de Javel”, qui devint ensuite l’Eau de Javel… Agent blanchissant et désinfectant toujours présent aujourd’hui dans nos cuisines … Ou nos placards à balais

Source : https://www.eaudejavel.fr/histoire.html

7 réflexions sur “A l’heure du bistournage …

  1. Belle mise en lumière dans cette rencontre, ceci étant je ne savais pas que ce job particulier concernait aussi le cochon ou le veau 🙃

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